Que sait-on de la façon dont la « transition écologique et énergétique », selon la terminologie en vigueur dans les politiques publiques françaises, transforme les activités et les emplois ? Alors que l’on peine encore à mesurer l’ampleur et la nature du verdissement des métiers, comment les acteurs de la formation et les entreprises se positionnent-ils pour favoriser l’écologisation des activités ? À partir d’un ensemble d’échanges et de travaux, ce Céreq Bref dresse un premier panorama de ces questions, entre enjeux systémiques et recompositions des compétences.
Observer et mesurer la transformation des métiers et des emplois : un exercice encore périlleux
L’ADEME, qui suit l’évolution des emplois dans les secteurs au cœur de la transition énergétique, comptait un peu moins de 360 000 emplois directs en 2019 dans ces secteurs, soit 1,3 % de l’emploi total (BTP 59 %, transports 23 %, énergies renouvelables 18 %). L’Onemev développe de son côté deux approches du verdissement de l’emploi. L’une s’intéresse aux « écoactivités », qui mobilisent près de 563 000 emplois en équivalent temps plein en 2018, soit 2,1 % de l’emploi intérieur total français. Ce volume est en augmentation, porté par le dynamisme de l’agriculture biologique et du développement des énergies renouvelables. L’autre approche distingue les métiers verts et métiers verdissants, au nombre de 140 000 pour les premiers (soit 0,5 % des emplois en 2018) et comptant presque 3,8 millions pour les seconds (soit 14 % de l’emploi). L’évolution de ces métiers est contrastée et difficile à interpréter, entre une diminution du volume des métiers verts et une légère progression des métiers verdissants, dont la proportion au sein des emplois reste identique entre 2013 et 2018, alors que le volume d’emploi total augmente de 1,2 %.
Quelle traduction en termes de compétences ?
Des travaux en cours au Cereq montrent que, de façon générale, le fait de traiter et d’analyser les impacts de la transition écologique sur les métiers et les organisations productives n’est pas une demande spontanée des branches. De fait, côté entreprises, hormis certains secteurs traditionnellement rattachés aux problématiques écologiques (celui des déchets ou certaines activités de l’ESS par exemple), ou des secteurs en évolution du fait de la règlementation (comme c’est le cas du BTP), ou encore de quelques transformations ciblées ou concentrées sur des marchés de niche, l’approche de la TE se catalyse autour de la sensibilisation, notamment au travers de la promotion d’écogestes citoyens, sans que les gestes professionnels et les organisations productives soient questionnés. Ces deux dimensions sont pourtant incontournables pour saisir les compétences, qui sont toujours contextuelles, évolutives, à la fois individuelles et collectives, et qui doivent être objectivées par des dispositifs d’évaluation. De fait, pour estimer leurs besoins en compétences vertes – celles-ci n’étant pas vertes « par nature » –, les entreprises doivent interroger leurs façons de produire et les chaînes de valeurs dans lesquelles elles s’inscrivent.
Le véritable défi lancé aux organisations productives est d’appréhender la transformation des métiers et des spécialisations par des processus itératifs, qui se construisent chemin faisant sur le terrain, dans l’activité de travail en train de se faire comme l’illustre le cas du BTP. Intégrer les préoccupations environnementales dans des chantiers demande à certains postes d’avoir une appréhension globale du mode de construction. Transformer l’acte constructif vers des procédés plus verts requiert ainsi de di- versifier les savoirs et les savoir-faire et de favoriser les modes de coopération entre différents corps de métiers. C’est par ce chemin que les besoins en compétences peuvent être identifiés et innerver les modalités de formation professionnelle.
L’agencement de nouvelles compétences – liées à l’hybridation de métiers existants plus qu’à l’émer- gence de nouveaux métiers – dans l’ensemble des secteurs est l’un des grands constats des travaux mentionnés jusqu’ici quant à la transition écologique et énergétique annoncée. Celle-ci devrait ainsi conduire à une « écologisation » globale des activités professionnelles, c’est-à-dire à l’intégration systé- matique et systémique des préoccupations environ- nementales dans les activités de travail. Dans cette perspective, identifier les compétences nécessite une analyse fine des situations de travail, des gestes et techniques professionnels afin de comprendre les conditions qui permettent et favorisent cette écolo- gisation. Pour accompagner la TE, une logique purement adéquationniste des politiques d’emploi et de formation peut ainsi échouer à appréhender les dynamiques de transformation.
Extraits choisis par le Moniteur de l’emploi. Lire la suite @ La transition écologique au travail : emploi et formation face au défi environnemental | La transition écologique au travail : emploi et formation face au défi environnemental]
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