En français, Les politiques et la politique

COVID et l’Intervention Publique sur le Marché du travail – Accélérer le retour au plein emploi

L’État, l’emploi et le chômage

 

 «L’analyse historique bien comprise a pour but de nous fournir les moyens de mieux connaître les tâches immédiates qui s’imposent à nous, et non de nous les masquer derrière la grandeur de tel ou tel leader».

 

                                                                               Erick Erickson, Luther avant Luther

 

Au moment d’écrire ces lignes, on commence à entrevoir les impacts désastreux de la pandémie du CORONAVIRUS sur le marché du travail partout dans le monde. Voilà un mois, nous vivions, au Québec, une situation inusitée de plein emploi. Après quelques semaines, le nombre de sans-emploi dépasse maintenant le million. À moins d’un vigoureux redressement économique, ce que la fin progressive du confinement rend peu probable, le chômage massif fera à nouveau partie de notre réalité.

 

En outre, le caractère international de la crise et la détérioration soudaine des finances publiques nous obligeront à faire preuve d’une efficacité sans précédent pour résorber ce nouveau chômage de masse. Il va sans dire que la politique de l’emploi occupera une place de premier plan dans l’arsenal des moyens dont les États disposent. Or, il y a de nombreuses leçons à tirer de l’histoire.

 

C’est donc, humblement, sans prétention que j’ai entrepris la tâche de mettre par écrit ce que ma propre expérience professionnelle m’a appris aux cours des quatre dernières décennies où j’ai œuvré « en main-d’œuvre », comme on dit dans le métier.

 

Ainsi, au cours des prochains mois, je mettrai en onde, sur mon site (Job Market Monitor / Moniteur de l’emploi) mes observations et réflexions sur les stratégies à mettre en place pour accélérer le retour au plein emploi.

 

De fait, l’occasion m’a été offerte, à partir de janvier 1993 et pour quelques sessions, de donner un cours sur l’intervention publique sur le marché du travail aux étudiants du Certificat en gestion de la main-d’oeuvre au département de Relations industrielles de l’Université Laval.

 

Ainsi, une bonne partie des textes que je publierai ont été rédigés à partir de mes notes de cours que j’ai pu bonifier au fil des ans grâce, entre autres, aux commentaires d’étudiants et de collègues. J’ai voulu en faire un manuel d’introduction à l’analyse de l’intervention publique sur le marché du travail, soit un ouvrage didactique accessible à la plupart des gens qui s’intéressent aux questions relatives à l’emploi et au chômage. Ainsi, ce que j’appelle mon « livre » présente les notions essentielles à l’analyse économique de ce que l’on appelait communément, il y a encore quelques décades, la politique de main-d’oeuvre. Et l’essentiel est ici défini à partir de ma connaissance de la pratique quotidiennement dans les institutions du marché du travail.

 

Pour l’analyste professionnel, la tâche la plus importante est certes de résumer et de commenter des projets ou des demandes et de faire des recommandations aux autorités. Ces projets peuvent porter sur des réformes ou des modifications à des mesures. Mais il peut aussi simplement s’agir de demandes de subvention. D’une part, ces nombreuses analyses forgent notre propre vision des choses, sans que nous en soyons toujours bien conscients. D’autre part, on apprend vite qu’avant d’encenser ou de ridiculiser un projet, il convient de bien le connaître et de le faire comprendre à ceux qui ont à prendre une décision.

 

Or, rien ne vaut une interrogation systématique pour arriver à mieux connaître un sujet. L’analyse de l’intervention publique sur le marché du travail ne doit pas être une question de foi, de croyances ou de mythes, ni l’effet du hasard. Bien au contraire, il y a là un terrain tout à fait propice à une démarche rigoureuse. La société n’est pas un laboratoire où il est possible de tenter ses propres expériences. Par conséquent, l’interrogation et la confrontation avec les faits et l’expérience constituent les moyens dont nous disposons pour améliorer nos connaissances du fonctionnement du marché du travail. Il vaut mieux tuer dans l’oeuf une mauvaise idée par respect pour le contribuable et le citoyen en général. Le marché du travail n’est pas comme les autres : il s’agit d’êtres humains, de gens qui gagnent leur vie et d’activités qui forgent l’identité même des personnes. Ainsi, pour résumer notre approche, nous nous sommes posé quatre questions relativement aux différentes stratégies que peuvent mettre de l’avant les gouvernements pour tenter de résoudre les problèmes du marché du travail, soit :

 

1)      à quels problèmes s’adresse l’intervention?

 

2)      comment explique-t-on ou voit-on ces problèmes, à l’aide de quelle théorie?

 

3)      quels moyens utilise-t-on pour répondre aux problèmes?

 

4)      quelles sont les limites, les effets non désirés ou pervers de l’intervention et les nouveaux problèmes qui apparaissent par la suite?

 

Évidemment, les réponses à ces questions varient d’un endroit à l’autre. Ainsi, bien que ce manuel porte exclusivement sur la situation au Québec, l’approche est générale, du moins dans un premier temps. Il se pourrait bien que le modèle des cinq stratégies de l’intervention publique sur le marché du travail, présenté plus loin, soit plus universel et s’applique tel quel dans la plupart des pays de l’OCDE. Nous croyons toutefois qu’il s’agit là d’un sujet pour des recherches ultérieures et l’intention ici n’est pas d’en faire la démonstration.

 

Les réponses à ces questions diffèrent aussi dans le temps puisque l’intervention publique sur le marché du travail poursuit des objectifs distincts et modifie ses moyens selon l’époque : l’économie de marché n’est pas née avec le salaire minimum, l’assurance-chômage et le droit du travail. Il faut dès lors, pour donner un sens à cette évolution, aller au-delà de la chronologie des événements. Notre hypothèse principale est qu’il est possible et suffisant de distinguer cinq types de réponses à ces questions, réponses qui correspondent aux cinq grands choix stratégiques relativement à l’intervention publique sur le marché du travail. Ces cinq stratégies sont :

 

–       la Lutte à l’exploitation (LE), poursuivie, au Québec, de 1913 à 1940;

 

–       la Politique de main-d’oeuvre (PMO), qui correspond grossièrement à l’âge d’or de l’assurance-chômage et qui a pris fin, au Québec, à la fin des années 80;

 

–       la Politique du marché du travail (PMT), mise de l’avant progressivement depuis la fin des années ’80 et dont les termes clés sont partenariat, incitation au travail, employabilité et formation;

 

–       la Politique de l’emploi (PE), dont l’objectif essentiel est le plein emploi productif et librement choisi, qui n’a pas été appliquée au Québec, si ce n’est que l’espace d’un moment, au milieu des années ’80; et, finalement

 

–       la Société active (SA), une stratégie complémentaire et qui, prenant acte de l’incapacité de réduire significativement, à court et moyen terme, le nombre des chômeurs chroniques, propose de nouvelles avenues pour l’intégration sociale des exclus du marché du travail.

 

Nous verrons plus tard que le passage d’une stratégie à la suivante, hormis la dernière, peut être qualifié de progrès dans l’intervention. En effet, celle-ci est plus globale, cohérente et audacieuse et, par conséquent, s’attaque plus efficacement aux problèmes du marché du travail. Mais ce progrès n’est pas une loi de la nature et n’est ni automatique. Un blocage ou une régression vers une stratégie moins globale demeure toujours possible.

 

Par exemple, le recours massif à l’assurance-chômage pour régler une multitude de problèmes du marché du travail, dans le cadre de la Politique de main-d’oeuvre, rend celui-ci forcément moins grave pour les chômeurs dont le revenu est protégé. C’est le but d’un tel régime. Malheureusement, le chômage devient, par le fait même, plus tolérable aux yeux d’une partie de l’opinion publique. L’assurance-chômage peut ainsi servir de caution à l’indifférence à l’égard du problème du chômage. Dès lors, une mobilisation générale dans le cadre d’une politique de lutte au chômage devient très ardue. On proposera différents indicateurs pour gonfler le nombre de «vrais» chômeurs afin de sensibiliser à nouveau la population, comme s’il n’était pas suffisant que le taux de chômage officiel soit le double de celui de nos voisins du Sud.

 

Les blocages et les progrès ne sont pas exclusivement l’affaire de l’État. Les gouvernements n’agissent pas en vase clos. Les acteurs sociaux, dont principalement les associations patronales, les syndicats ouvriers et les représentants des réseaux publics, influencent de manière décisive les choix stratégiques des gouvernements. En outre, l’accès aux décideurs politiques peut être très inégal d’un groupe social à l’autre selon l’époque. Ainsi, le passage à une stratégie plus efficace ne peut généralement s’accomplir sans l’approbation, sinon l’engagement des joueurs clés du moment.

 

Voilà pourquoi certains contextes économiques, politiques et institutionnels s’avèrent plus favorables au passage à une stratégie plus avancée et peuvent même permettre de brûler des étapes. Par exemple, des pays ont adopté la Politique de l’emploi bien avant qu’il en soit question ici au Québec ou au Canada. Bref, la société, prise globalement, est libre de ses choix.

 

Michel Cournoyer – éditeur

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